04-04-2022

Trop de médicaments pendant les derniers mois de vie

Les Mutualités socialistes ont analysé la consommation de médicaments de leurs membres âgés de 75 ans et plus. Elles ont constaté que les personnes âgées prennent beaucoup de médicaments et que la consommation de médicaments augmente encore.

Un quart de la totalité des médicaments est délivrée à des personnes âgées de plus de 75 ans, qui ne constituent que 8 % des membres de la mutualité. Entre 2011 et 2019, la consommation de médicaments a augmenté de 4 % dans ce groupe. Le pic de consommation de médicaments concerne les personnes âgées entre 80 et 84 ans.

Pendant la dernière phase de la vie des personnes âgées de plus de 75 ans, le nombre de médicaments double. Si une personne prend 7 médicaments différents au cours du 12e mois avant son décès, elle prendra 15 médicaments différents au cours du dernier mois de sa vie. Selon la mutualité, on est encore loin de la réalité, car il manque les données de la plupart des médicaments non remboursés comme les anxiolytiques, les somnifères et certains antidouleurs.

Un patient en soins palliatifs sur 3 reçoit une médication qui ne lui apporte rien

La mutualité a également étudié la consommation de « médicaments potentiellement inappropriés » par les personnes âgées de plus de 75 ans. Dans la littérature scientifique, un médicaments est considéré comme inapproprié lorsque les risques liés à la consommation sont plus grands que les avantages cliniques attendus.

Un exemple connu sont les médicaments pour réduire le taux de cholestérol pour les patients ayant une faible espérance de vie. Les médicaments pour réduire le cholestérol comme les statines contribuent à éviter les maladies cardio-vasculaires. Ils peuvent être pris en prévention sur le long terme. Pour les patients ayant une très faible espérance de vie, l’avantage ne fait plus le poids face aux éventuels effets secondaires ou risques.

La moitié des personnes âgées de plus de 75 ans reçoit en moyenne 1 médicament potentiellement inapproprié pendant les 3 derniers mois de sa vie. Parmi les patients en soins palliatifs aussi, chez qui l’espérance de vie peut être mieux estimée, 1 personne sur 3 se voit prescrire des médicaments inappropriés.

Il ne s’agit pas seulement de la prolongation de prescriptions existantes, des nouveaux médicaments inappropriés sont aussi administrés pendant cette période. « Les médicaments inappropriés n’ont pas de plus-value pour le patient », explique le Dr. Bart Demyttenaere, directeur de la politique médicale aux Mutualités socialistes. « Les avantages ne font plus le poids face à la possibilité d’effets secondaires. Une médication inappropriée augmente le risque pour le patient et accroît inutilement le coût pour notre système de sécurité sociale. Dans la dernière phase de la vie, l'accent doit être mis sur le confort et la qualité de vie, par exemple le soulagement de la douleur.

« Heureusement, nous constatons que 84 % des patients et 91 % des patients en soins palliatifs se voient prescrire des médicaments appropriés au cours des trois derniers mois de leur vie », ajoute le Dr Demyttenaere.

Les centres de soins résidentiels : meilleurs élèves

L'étude montre également que les centres de soins résidentiels sont de meilleurs élèves en matière d'utilisation inappropriée des médicaments. Cela peut en partie être expliqué par l’attention spécifique que les centres de soins résidentiels apportent à la polymédication (plusieurs médicaments sur une plus longue période) et à l’hyperpolymédication (10 médicaments différents ou plus).

La polymédication augmente la possibilité d’apparition d’effets secondaires, d’interactions indésirables entre médicaments et même de lésions ou de maladies liées aux médicaments. À cause du moins bon fonctionnement du foie et des reins à un âge plus avancé, la possibilité de surdosage augmente également.

Recommandations

Solidaris Brabant exige une prescription raisonnable et basée sur des données probantes. À cette fin, la mutualité veut sensibiliser les médecins et les patients, « mais la responsabilisation aussi doit être possible ».

Mais la mutualité estime également qu'il faut accorder plus d'attention à ce que les patients veulent et à ce qu'ils veulent obtenir de leurs soins. C'est pourquoi la mutualité demande, entre autres, de commencer à temps la planification des soins précoces, c’est-à-dire de réfléchir et de décider de vos soins et traitements futurs avant qu'ils ne soient nécessaires. « La consommation des médicaments doit en être un élément essentiel et explicite », souligne le Dr. Demyttenaere. « Même dans la dernière phase de la vie, ou lorsque le patient ne peut plus décider pour lui-même, nous devons veiller à ce qu'il ne reçoive aucun médicament inutile ou inutilement risqué. » La mutualité dit aux médecins : abordez le sujet avec votre patient en temps utile et tenez compte de ses souhaits et de sa qualité de vie.

D'autres initiatives doivent encore être renforcées. Par exemple, il existe la consultation médico-pharmaceutique entre le médecin et le pharmacien, qui fonctionne bien mais qui est encore sous-utilisée. Le rôle du pharmacien devrait également être renforcé. Les patients peuvent déjà désigner leur pharmacien comme leur pharmacien traitant et le pharmacien peut les aider à établir leur schéma de médication. Le comité d'assurance de l'INAMI fournit désormais aussi des conseils aux patients ambulatoires qui prennent beaucoup de médicaments.